Cedric Marszewski et Charles Denner ne partagent pas qu’une ressemblance. En plus de l’élégance racée, des origines polonaises et du coeur à l’ouvrage, le producteur-dj prolifique et le comédien disparu ont en commun le genre de parcours où l’on cherche vainement l’erreur.
Que PILOOSKI embrasse les sixties soulfull (Frankie Valli, Dee Edwards…), le hip hop (Quantic), l’italo disco (Yellow Power), les eighties mutantes (Don Armando), les o.v.n.i (Jan Turkenburg) ou les dandys (Brian Ferry), l’homme aux cinquante remixes détourne et retourne, certes, mais avec respect. On ne voit vraiment pas quelle musique originale regretterait de se faire trousser par lui.
Quand il passe en mode production, on pénètre un paysage sonore à perte de vue, avec son dance-floor vallonné, quelques pics mélancoliques, des versants entre chien et loup. Une terre neuve sur le continent électronique où réside désormais DISCODEINE, créature bicéphale créée avec Benjamin Morando a.k.a Pentile. Rien d’étonnant à ce que l’animal ait attiré d’autres specimens rares (Jarvis Cocker, Baxter Dury, Matias Aguyao) à frayer sur l’album sorti au printemps 2011 chez D-I-R-T-Y.
A la veille du concert de Discodeine à Marseille, Dzzing a réussi à détourner l’attention de Pilooski. Profitons.
Pilooski @ Mix en Bouche © Kulte
Dzzing : Discodeine s’est aventuré sur le terrain du live quasiment dans la foulée de la sortie de l’album. Sachant que l’exercice reste périlleux dans les musiques électroniques, comment abordez-vous la scène ?
Pilooski : En fait il y a deux formules. L’une en groupe avec un batteur, un harpiste-bassiste et nous deux aux machines. C’est plus lourd à gérer, plus cher, peut-être aussi plus sauvage, et plus « sueur/pizzaïolo » aussi. L’autre formule est d’avantage destinée aux clubs ; dans ce cas précis, nous nous déplaçons tous les deux, l’un déguisé en Jarvis Cocker, l’autre en Baxter Dury, quelques effets, des laptops, des micros, des guirlandes lumineuses pour l’ambiance.
D : Entre des dates au Sonar, à la Villette Sonique, à Guadalajara, avez-vous ressenti des différences flagrantes dans la réceptivité des gens ?
P : Je pense que tous les publics se valent. Même le public parisien a été réceptif, c’est pour dire (humour).
D : A part Mathias Aguayo déjà connu de votre public electro, « Synchronise » avec Jarvis a sans doute permis à des jeunes fans de Discodeine de faire connaissance avec Pulp. Idem pour le titre avec Baxter Dury. Le choix de vos featuring nait-il d’une ambition de transmettre votre culture éclectique ou juste d’envies purement artistiques ?
P : Un choix uniquement artistique. Avec du recul, je pense que l’on a eu la chance d’avoir sur notre album surement les deux meilleurs songwriters anglais en exercice. Jarvis et Baxter sont des conteurs, de véritables chroniqueurs et Jarvis est juste… Jarvis : difficile à définir, c’est un artiste complet. Baxter est tout aussi doué, mais beaucoup plus low profile. Ils sont tous deux très humbles; comme tous les gens talentueux, ils se suffisent à eux-mêmes, évoluent par rapport à leurs propres critères. C’est tellement rare…
« D-A » / Discodeine feat. Baxter Dury
D : Peut-on déjà évoquer de futures collaborations sur les prochaines sorties de Discodeine, ou juste des souhaits, des rêves, mêmes les plus dingues ?
P : Nous travaillons en ce moment sur le prochain album que nous allons finir rapidement, contrairement au premier. Tout est plus fluide et oui, il y aura des collaborations, sur trois ou quatre morceaux, uniquement avec des gens ne dépassant pas 1, 50 m pour des raisons de tonalité; c’est le concept du disque.
D : A ce propos, vu l’amplitude de vos goûts musicaux à tous deux, comment fonctionnez-vous pour choisir qui inviter à chanter ou jouer : croisement de listes, courte paille, à l’aveugle ?
P : On fait des listes, on élimine progressivement tous les gens qui veulent 10 000 euros et à la fin, il ne reste que ceux qui travaillent pour du vin chaud et l’amour du ski, les gens du Chili, et les tous les fans anglais de Melody Nelson de passage à Paris.
« Homo-Compatible » / Discodeine
D : Laissons un instant reposer Discodeine pour focaliser sur Pilooski et notamment Tristesse Contemporaine. Au-delà de ton travail de remix et d’edit pour une belle brochette d’artistes, raconte ton expérience en tant que producteur de leur album à paraître début 2012 sur D-i-r-t-y.
P : J’ai fait quelques titres sur le dernier album de Turzi et je produis déjà tous les titres de Discodeine. Le studio, c’est ce que je préfère : essayer des nouveaux effets, faire chanter des Japonais, des Jamaïcains et enregistrer des guitaristes suédois ; c’est mon occupation favorite. Plus sérieusement, la démo de Tristesse Contemporaine me rappelait les disques d’A.R. Kane (excellent tandem londonien auteur d’une dreampop-electro-dubby-dark signée chez 4AD et Rough Trade en 86/88 – NDLR) ; j’ai donc noyé tous leurs morceaux dans des grosses réverb, « fatifié » les beats et essayé de créer une cohérence « dark Benetton ». C’est ce qui m’a paru le plus logique, vu les circonstances.
D : Entre deux sets, concerts et sessions studio, on sait -ou pas d’ailleurs- que tu enrichis la maison Hermès de ta culture musicale. En quoi consiste cette contribution sonore ?
P : Je fais de la D.A., m’occupe de créer les bandes-sons, en collaboration avec Christophe Lemaire. L’idée est de raconter des histoires-voyages de dix minutes, structurées comme des films. J’édite et triture de la matière sonore. J’ai la chance de travailler avec quelqu’un qui a une véritable culture musicale, exigeant dans le bon sens du terme. C’est très stimulant, créatif. Et libre.
Discodeine © Eric Beckman
Une liberté stimulante et créative qui s’illustre samedi 12 novembre à Marseille avec Discodeine en live au Cabaret Aléatoire dès 22 heures pour la Kill The DJ party, organisée par Crown Rebels invitant aussi Chloé, Yvan Smagghe et L’Amateur. Enjoy.
Publié dans Perles et madeleines, Prenons l'ère
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